Le ballonnement chez les bergers allemands: l’influence de la génétique et de l’environnement

Berger allemand couché sur l'herbe

Bo Vujovich (Rosewood) de Cannon Falls au Minnesota et Diane Mehra (Blackwood) de Canon City au Colorado, coéleveuses et copropriétaires de longue date de bergers allemands, n’ont jamais oublié leurs premiers chiens qui ont subi une dilatation gastrique-volvulus (GDV), ou ballonnement.

Mme Vujovich n’avait jamais été confronté à ce trouble avant 1999, lorsque le ventre de son mâle de quatre ans, « Donny » (CH Rosewood’s Adonis Of Anne-Isle TC), s’est mis à se dilater. « Donny était un magnifique spécimen de cette race, se rappelle-t-il. Il avait un tempérament exceptionnel et une mobilité hors du commun. Une nuit, il est devenu très agité. Je pensais que c’était à cause d’une chienne en chaleur. Le lendemain matin, son état était trop avancé pour qu’on puisse le sauver. »

Lors de la fin de semaine de la fête du Travail en 2014, Mme Mehra se souvient d’avoir jeté un coup d’oeil à sa femelle de cinq ans, « Frannie » (De Paul’s Francesca v Blackwood), et d’avoir constaté que son abdomen était distendu des deux côtés. « Elle avait l’air d’une chèvre », dit-elle.

Frannie était magnifique et athlétique, se souvient Mme Mehra. Elle était aussi gentille, intelligente, heureuse et équilibrée. La chirurgie d’urgence lui a sauvé la vie. J’ai fait pratiquer une gastropexie immédiatement pour éviter qu’elle n’ait un nouvel épisode de SDTE. Frannie a vécu une vie heureuse. Elle est récemment décédée à l’âge de 12 ans.

Les bergers allemands font partie de la cinquantaine de grandes races et de races géantes susceptibles d’être victimes du SDTE. Troisième race la plus populaire du pays d’après les données de 2020 enregistrées par l’American Kennel Club, le berger allemand pourrait être la race la plus touchée par le ballonnement, en raison du nombre de cas recensés.

« Il est très difficile de prédire quels chiens seront touchés, explique Mme Vujovich. Si vous élevez beaucoup de chiens et que vous continuez vos activités assez longtemps, cela finira par arriver. »

Mme Mehra est d’accord. « Le ballonnement est si courant chez cette race. C’est très triste », dit-elle.

Traditionnellement, on pensait que le SDTE se produisait lorsque l’estomac se remplissait de gaz comme un ballon, un processus connu sous le nom de dilatation gastrique. Au fur et à mesure que la dilatation progresse, l’estomac rempli de gaz se tourne de 180 degrés sur le côté dans le sens des aiguilles d’une montre, ce qui empêche le gaz de s’échapper par l’oesophage ou le duodénum. Il s’agit du syndrome de dilatation-torsion de l’estomac. Une distension profonde de l’estomac comprime les vaisseaux sanguins et les organes vitaux de l’abdomen, et réduit l’apport d’oxygène à ces organes. Cette situation met en danger la vie du chien, car les tissus meurent et les toxines sont libérées dans le sang.

« Les données actuelles suggèrent que la torsion, le retournement de l’estomac, peut être la première cause de ballonnement chez le chien », explique Elizabeth A. Rozanski, DVM, DACVIM, DACVECC, professeure agrégée à la Cummings School of Veterinary Medicine de l’Université Tufts. « Cette torsion empêche probablement les gaz produits par la fermentation de s’échapper, ce qui provoque un gonflement de l’estomac. Au fur et à mesure que la pression gastrique augmente, l’irrigation sanguine de l’estomac et de l’ensemble de la circulation est interrompue, ce qui provoque un état de choc chez le chien. »

Aucune cause unique n’est liée au ballonnement. « Une combinaison de facteurs génétiques et environnementaux contribue au ballonnement », explique la Dre Rozanski. « Il est important de comprendre que la plupart des chiens souffrent de ballonnements en raison de leur conformation, et que la taille du chien est intrinsèquement liée à celle-ci. Les races à poitrine profonde et les races géantes sont vulnérables au ballonnement. »

Le ballonnement est une affection d’urgence qui évolue si rapidement que les chiens peuvent mourir dans les deux heures qui suivent l’apparition des premiers signes cliniques. Au fur et à mesure que les gaz s’accumulent dans l’estomac, le chien devient de plus en plus inconfortable. Les propriétaires peuvent remarquer que leur chien fait les cent pas, halète, recrache sans succès ou se tient raide, le dos voûté. Les signes cliniques comprennent un abdomen distendu, des gencives pâles et un pouls faible et rapide. Un choc peut se produire lorsque la veine cave, la grosse veine qui ramène le sang désoxygéné vers le coeur, est bloquée par la torsion et la distension de l’estomac.

Une intervention chirurgicale d’urgence visant à dénouer l’estomac et à vérifier la présence de tissus morts est la meilleure solution pour les chiens victimes du SDTE. Avant l’opération, le vétérinaire doit stabiliser le chien en réduisant la pression du gaz dans l’estomac et en traitant son état de choc à l’aide de fluides intraveineux. Comme dans le cas de Frannie, une gastropexie est toujours pratiquée lors d’une intervention chirurgicale d’urgence pour éviter que le SDTE se reproduise.

La gastropexie consiste à attacher l’estomac sur la partie droite de la paroi abdominale pour éviter toute torsion ou tout déplacement futur. Procédure peu invasive, la gastropexie est recommandée à titre prophylactique dès le plus jeune âge, en particulier chez les chiens dont un parent, un frère, une soeur, un demi-frère ou une demi-soeur a souffert de ballonnements. Dans beaucoup de cliniques, un vétérinaire effectue une gastropexie par laparoscopie en utilisant deux ou trois incisions et des caméras pour guider l’intervention.

Lorsque les chiens meurent avant que l’on puisse les opérer, c’est principalement à cause du choc et de l’instabilité cardiovasculaire. La Dre Rozanski et Claire R. Sharp, BVMS, MS, DACVECC, anciennement de la Cummings School of Veterinary Medicine de l’Université Tufts et maintenant à l’Université Murdoch en Australie, ont étudié les effets systémiques du SDTE. Leur recherche, publiée en 2014 dans le journal Topics in Companion Animal Medicine, indique que la diminution de l’apport d’oxygène aux tissus causée par un dysfonctionnement cardiovasculaire est à l’origine d’un état systémique connu sous le nom de syndrome de défaillance multiviscérale. Cette défaillance peut affecter le système cardiovasculaire, respiratoire, gastro-intestinal, de coagulation et rénal.

En outre, la Dre Rozanski précise que « d’autres défaillances d’organes peuvent survenir au cours de la période postopératoire, nécessitant une prise en charge particulière et pouvant contribuer à la morbidité tardive et à la mortalité. Il est essentiel d’être conscient du risque de syndrome de défaillance multiviscérale et de prodiguer des soins de soutien agressifs pour maximiser les chances de réussite des chiens atteints du SDTE. ».

Sans gastropexie, le SDTE récidive chez 80 % des chiens affectés, contre moins de 5 % chez les chiens ayant subi cette opération. Si la gastropexie prophylactique peut réduire la prévalence du SDTE chez les races prédisposées, elle n’élimine pas le risque de volvulus du grêle. Le volvulus du grêle se produit lorsque l’intestin grêle s’enroule autour de la racine du mésentère qui fournit les nutriments aux intestins. Bien que rare, le volvulus du grêle est presque toujours mortel. 

Une étude publiée en 2018 a mis en évidence une relation inverse entre la diminution des cas de SDTE dus à la chirurgie prophylactique de gastropexie et l’augmentation de l’incidence du volvulus du grêle. L’étude rétrospective a porté sur 54 cas de volvulus du grêle et 157 sujets témoins pour déterminer les facteurs potentiels de risque de cette affection chez les chiens de travail militaires traités à l’hôpital Holland Military Working Dog Hospital de la base aérienne de Lackland à San Antonio. Les bergers allemands représentent 60 % des chiens de travail militaires du département de la Défense.

Les facteurs de risque prédisposants étaient le type de race, en particulier le berger allemand, l’âge avancé et les antécédents de maladie gastro-intestinale, de gastropexie ou d’autres chirurgies abdominales. Comme le SDTE était depuis longtemps une cause de décès ou un motif d’euthanasie chez les chiens de travail militaires, l’armée américaine a commencé en 2001 à mettre en oeuvre une politique de gastropexie prophylactique pour tous les chiens de travail au début de l’âge adulte, politique qui a été instaurée sur plusieurs années.

À titre de comparaison, 116 cas de SDTE ont été recensés entre 1990 et 2000 avant l’entrée en vigueur de la politique, 95 cas entre 2001 et 2009 et 11 cas entre 2010 et 2016. Au cours de la même période, 6 cas de volvulus du grêle ont été signalés entre 1990 et 2000, 12 cas entre 2001 et 2009, et 48 cas entre 2010 et 2016.

Les auteurs soulignent que le lien entre la gastropexie et le volvulus du grêle n’est pas clair. Par conséquent, l’avantage de la gastropexie dans la prévention du SDTE l’emporte probablement sur le risque de volvulus du grêle, une affection rare, ont-ils conclu.

Un fondement génétique pour le ballonnement

On ne sait pas grand-chose sur les causes du SDTE. Ce trouble est considéré comme complexe et multifactoriel, avec des influences génétiques et environnementales. Les amateurs de bergers allemands soupçonnent que le ballonnement est plus fréquent chez certaines lignées.

Comme le dit Mme Mehra, qui élève des bergers allemands sous le préfixe Blackwood, « nous appelons cela le pedigree de gonflement-torsion ».

La volonté de mieux comprendre les aspects génétiques du ballonnement a incité les chercheurs de la Cummings School of Veterinary Medicine de l’Université Tufts à comparer des échantillons d’ADN de chiens pure race ayant souffert de ballonnement avec des chiens d’âge et de race similaires n’ayant pas souffert de SDTE. Leur étude, menée de 2014 à 2018, a été financée par l’AKC Canine Health Foundation avec le soutien de 35 commanditaires, dont l’American German Shepherd Dog Charitable Foundation et le German Shepherd Dog Club of America. 

Un article sur leurs conclusions concernant les facteurs de susceptibilité génétique chez les grandes races et les races géantes, qui présentent un risque de ballonnement de 3,9 % à 36,7 % au cours de leur vie, a été publié dans la revue Genes en novembre 2020. L’étude d’association pangénomique (GWAS) portant sur 253 chiens de 10 races différentes comprenait 147 chiens ayant connu au moins un épisode de SDTE et 106 chiens témoins en bonne santé. Le génotypage de polymorphismes à simple nucléotide (SNP) suivi de l’imputation de variations génétiques communes a été réalisé sur 241 échantillons pour déterminer les SNP et les variations du nombre de copies associés au SDTE.

Les dix races représentées étaient: le barzoï (25,6 %), le berger allemand (21,9 %), le grand danois (13 %), le grand caniche (9,8 %), le doberman pinscher (6 %), le briard (5,6 %), le labrador retriever (4,7 %), le golden retriever (4,7 %), et le braque allemand à poils courts (4,7 %).

La Dre Rozanski, chercheuse principale, explique: « Nous avons ensuite utilisé le séquençage du génome complet (WGS) sur un sous-ensemble de 18 chiens souffrant du SDTE et 15 témoins sains des 3 races les plus représentées, soit le barzoï, le berger allemand et le grand danois. Nous avons identifié un SNP intergénique potentiellement protecteur, l’allèle mineur G, qui est présent dans toutes les races et qui est particulièrement important chez les collies, les braques allemands à poils courts et les grands danois ».

Une analyse ultérieure a permis d’identifier 12 SNP supplémentaires potentiellement protecteurs, ainsi que des SNP délétères. Des SNP significatifs ont été trouvés dans les trois gènes impliqués dans le tonus et la motilité gastriques: VHL, NALCN et PRKCZ.

« Il s’agit là d’indices potentiellement importants sur les facteurs de risque du ballonnement, souligne la Dre Rozanski. Bien que d’autres études soient nécessaires pour valider les SNP recensés dans l’étude et leur association avec la susceptibilité au SDTE, ainsi que leurs associations potentielles avec la race, les gènes dans lesquels ils sont situés jouent des rôles notables au sein du système nerveux entérique et de la motilité gastro-intestinale. »

Statistiques de survie et accent sur la prévention

Tout comme le SDTE est une maladie multifactorielle en matière de causes, le fait qu’un chien survive aux ballonnements est également multifactoriel. Les docteures Sharp et Rozanski, ainsi que leurs collègues, ont examiné les dossiers hospitaliers de 498 chiens ayant souffert de ballonnements entre septembre 2001 et avril 2011. Elles ont cherché à comprendre les raisons expliquant la mort de certains chiens avant une intervention chirurgicale, afin d’expliquer la non-survie préopératoire. Les chiens étaient des patients du Foster Hospital for Small Animals de la Cummings School of Veterinary Medicine de l’Université Tufts.

« Si l’on exclut les 179 chiens morts ou euthanasiés avant l’opération, 83,5 % des chiens, soit 318, ont survécu et sont rentrés chez eux, précise la Dre Rozanski. Dans l’ensemble, environ 64 % des chiens étudiés ont survécu. Nous avons constaté que les raisons financières constituaient un facteur de risque majeur de non-survie. Sur les 179 chiens qui n’ont pas survécu, 149 ont été euthanasiés et 30 sont morts. Parmi ceux qui ont été euthanasiés, 116 l’ont été avant l’intervention chirurgicale, sans intention de traitement. »

Bien que les coûts varient en fonction de la zone géographique et de la clinique, la chirurgie d’urgence du ballonnement, y compris la gastropexie, peut coûter entre 4 000 $ et 10 000 $. Une gastropexie prophylactique pratiquée sans urgence peut coûter entre 1 200 $ et 2 000 $.

Compte tenu du taux de non-survie du SDTE en raison de l’absence de traitement, les efforts de prévention de la maladie peuvent être le meilleur moyen de réduire la mortalité due à la maladie. « Si vous avez une lignée de jeunes chiens souffrant de ballonnements et de nombreux frères et soeurs souffrant de ballonnements, il s’agit probablement d’un indicateur de gènes à risque, explique la Dre Rozanski. Vous devriez réduire progressivement l’accouplement de ces chiens. »

Les facteurs environnementaux peuvent également jouer un rôle. « Dans certaines lignées, des facteurs de stress, comme un séjour dans un chenil, peuvent augmenter le risque de ballonnement, en particulier chez les chiens anxieux et nerveux, explique-t-elle. Si vous avez un berger allemand anxieux, éviter les situations stressantes peut se révéler judicieux. »

Les éleveuses Mmes Mehra et MVujovich, qui ont toutes deux 30 ans d’expérience dans l’élevage de bergers allemands, informent les acheteurs de chiots des signes du SDTE et les encouragent à pratiquer une gastropexie prophylactique précoce. « La plupart des gens ne peuvent pas se permettre, émotionnellement ou mentalement, de perdre un animal à cause du SDTE, explique Mme Vujovich. La gastropexie offre une protection contre cette éventualité. »

Les deux éleveurs s’interrogent sur la vulnérabilité de la race au SDTE. « Les muscles abdominaux semblent se relâcher avec le temps, ce qui donne à l’estomac plus d’espace pour se tordre », commente MmeVujovich.

« Le ballonnement n’était pas un problème de santé chez les bergers allemands avant les années 1980, lorsque les éleveurs ont commencé à produire des chiens au corps plus profond pour obtenir une démarche latérale allongée », explique Mme Mehra.

Mme Mehra, dont le chien Frannie a survécu à un ballonnement, explique: « C’était la chienne la moins susceptible de ballonner, car elle n’avait pas le type de corps prédisposé au SDTE. Elle avait des muscles ligamentaires et abdominaux très serrés. Elle était heureuse, bien adaptée et n’était pas une chienne nerveuse ou anxieuse. »

Quant à ses pratiques de reproduction, Mme Mehra affirme: « Je choisis très soigneusement les partenaires de reproduction. Je recherche des lignées qui ont une certaine longévité et qui sont exemptes du SDTE depuis une ou deux générations. Je veille également à ne pas "jeter le bébé avec l’eau du bain". Cela pourrait entraîner la perte de la diversité génétique. »

« Les ballonnements se produisent tout simplement, explique Mme Vujovich. Vous pouvez suivre les meilleures pratiques et les meilleures routines pour vos chiens, mais quand même vous retrouver avec un chien qui ballonne. »

En réfléchissant à l’importance de l’activité génétique, la Dre Rozanski souligne: « Il nous faudra encore des années pour le découvrir, mais nos résultats tendent à confirmer le rôle de la génétique dans le ballonnement des chiens. Peut-être que tous les bergers allemands sont un peu génétiquement à risque. »


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